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Jérôme Grivot se frotte au marché des cé Jérôme Grivot se frotte au marché des céréales

Depuis son installation, Jérôme Grivot devient progressivement acteur de la vente de ses céréales avec les outils de sa coopérative.

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1. Euphorie. 2007, la première année d'installation de Jérôme Grivot (ici avec son père, André, à droite) a été marquée par la flambée des cours des céréales.

2. Récoltes. La totalité des blés est stockée dans le but de fluidifier les travaux de moisson.

3. Connexion. l'internet est un outil indispensable pour consulter les marchés et passer des ordres.

 

«Je cherche surtout à sécuriser un revenu», prévient d'emblée Jérôme Grivot. Pour ce jeune agriculteur de 29 ans, qui a repris il y a deux ans une ferme de 200 ha à La Chapelle-sous-Orbais, dans la Marne, et adhérent à la coopérative Champagne céréales, pas question de prendre des risques inconsidérés.

 

Après l'Esitpa (école d'ingénieur en agriculture), Jérôme a d'abord travaillé dans une banque en tant que conseiller de clientèle agricole avant de s'installer.

S'aguerrir au marché

«Avec le centre de gestion, j'ai calculé mes prix d'objectif, qui me permettent de rembourser mes emprunts et de dégager un revenu. Ainsi, quand je fixe moi-même des prix, je redeviens acteur de mon revenu», explique Jérôme.

Cependant, Jérôme se veut prudent et ne veut pas engager plus de 20% de sa production de blé et de colza dans ce système de «prix à fixer», car il estime avoir encore besoin de s'aguerrir davantage aux complexités du marché. «Je me suis installé en 2007, en pleine période de hausse des cours des céréales. A cette époque, j'ai vendu une partie de mon blé avant la récolte, dès le mois de juin, alors que les cours devaient encore progresser. J'ai compris que je devais me former pour continuer à commercialiser moi-même ma récolte. Je pense que dans deux ou trois ans, je mettrai de 40 à 50% de mes récoltes dans ce système.»

Cette année, alors que les prix d'objectif ont de nouveau été atteints au début de juin, il a décidé d'engager la moitié du blé de la récolte de 2009, qu'il réservait à la vente en «prix à fixer». «Je n'ai pas pris d'option à la hausse pour les quantités engagées lors de cette vente, car le coût de cette assurance aurait pénalisé d'autant mon prix de vente et cela me faisait sortir de mon prix d'objectif», relate le jeune agriculteur.

En effet, en plus de la fixation du prix, la coopérative propose de souscrire à un système d'assurance, qui permet de profiter d'une éventuelle hausse alors que la marchandise est déjà vendue.

Groupes interactifs

«Avant même que la coopérative ne lance son programme de formation des adhérents au marché, je m'étais inscrit à une première formation d'initiation auprès de ODA (Offre et demande agricole), pour mieux comprendre le fonctionnement des marchés agricoles.» Lorsque Champagne céréales a monté ses «clubs marchés», Jérôme s'y est tout de suite intéressé.

Il est désormais président du club de sa section, qui regroupe une dizaine de personnes de tous âges, «mais où les trentenaires sont bien représentés», relève-t-il. Nous nous réunissons la matinée du deuxième vendredi de chaque mois. C'est-à-dire le lendemain de la publication du rapport Wasd de l'USDA (département américain à l'Agriculture), qui donne les dernières estimations de l'offre et de la demande mondiale des principaux produits agricoles.

La matinée commence toujours par un tour de table ou chacun pose ses questions; c'est l'occasion de revenir sur des points aussi bien techniques que d'actualité. La technicienne du groupe, de même qu'un conseiller d'ODA, sont toujours présents.

Ces groupes fonctionnent sur la base de l'interactivité: «Nous nous sommes construit une ferme fictive représentative du groupe, avec colza, blé, orge et maïs sur 200 ha», explique Jérôme Grivot. Les décisions de vente pour cette exploitation virtuelle sont prises par un système de vote à main levée. «On a beau avoir les mêmes informations, les décisions dépendent des sensibilités de chacun», remarque le jeune agriculteur.

Le temps que Jérôme Grivot passe quotidiennement au suivi du marché est assez faible: «Je consulte les prix de Champagne céréales tous les deux jours sur internet et je lis attentivement la lettre hebdomadaire que nous recevons», précise l'exploitant.

C'est également sur internet que Jérôme passe ses ordres pour vendre ou exercer une option. Pour le jeune exploitant, se frotter dès aujourd'hui à la vente des céréales, c'est aussi un pari sur l'avenir: mieux vaut s'armer petit à petit pour affronter un marché qui promet de rester volatil.

 

Expert: FRANÇOIS PURSEIGLE , maître de conférences en sociologie rurale (ENSAT):

«Des rapports remaniés avec la coopération»

- Comment les relations ont évolué entre la nouvelle génération d'agriculteurs et la coopération agricole?

Les rapports ont changé: les jeunes agriculteurs sont déstabilisés par le fait que les coopératives se positionnent aujourd'hui sur des secteurs différents, avec des stratégies plus "entrepreneuriales" qu'auparavant. La coopérative est donc pour eux une entreprise parmi d'autres et cela trouble la relation. Ils demeurent très attachés à la coopérative, non pas comme une organisation régie par des principes mutualistes, mais comme une entreprise garantissant un prix.

- Qu'attendent les jeunes des structures coopératives?

Ils attendent une capacité à repérer des marchés porteurs dans un nouveau schéma concurrentiel. Mais maintenant, adhérer à une coop, c'est ne pas être sur des rails, on négocie en permanence son engagement auprès d'elle.

L'accès à l'information via internet remanie aussi les rapports des jeunes agriculteurs avec la coop, avec le développement d'un sentiment qui tendrait à dire "je suis formé, je peux aller seul sur les marchés". Mais rares sont ceux qui sortent totalement du schéma coopératif.

Ceux qui en partent y reviennent rapidement. Mes collègues, Valérie Barraud-Didier et Marie-Christine Henninger, ont montré, dans une étude réalisée dans le Midi-Pyrénées dans des structures appro-céréales, qu'il n'existe pas de différence réelle et significative de comportements de fidélité entre les jeunes agriculteurs et les autres.

 

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